Le post-partum est cette période post accouchement, d’une durée non définie et variable d’une mère à une autre, de fragilité émotionnelle et psychique et physique qui nécessite que la mère soit soutenue et entourée. Il n’a pas de règles car il est abordé et vécu différemment par chaque mère en fonction de ses ressources psychiques et physiques mais aussi en fonction de l’accouchement, de l’entourage, du comportement du bébé etc…
Devenir mère est un bouleversement. Les repères changent, les habitudes sont bousculées, les attentes sont déroutées, les émotions sont décuplées, le corps est vide, flasque et éprouvé, la vie quotidienne est chamboulée. Il est éprouvant de prendre soin d’un bébé, il est donc légitime et compréhensible de se sentir épuisée et parfois désemparée. De plus, « on ne naît pas mère, on le devient » et de ce fait il est un droit de ne pas savoir, de se sentir démunie de solutions certains jours, de tâtonner, de réussir et de se tromper. C’est tout simplement humain. Il est indispensable que la mère soit entourée et enveloppée car elle aussi a des besoins, au même titre que son bébé.
Devenir mère peut réactiver des souvenirs, des craintes et des angoisses. On peut se sentir complètement différente, comme une version 2.0 de soi-même. C’est un fait, il s’agit là d’une véritable crise identitaire. En accédant à ce nouveau statut on se perçoit différemment et les autres nous perçoivent aussi différemment. Ce phénomène est brutal et vraiment perturbant.
Devenir mère appuie souvent là où ça fait mal et peut mobiliser ou faire remonter des combats et des souffrances passés, une relation avec sa propre mère difficile ou des vérités enfouies. L’inconscient passe aux commandes et met en perspective des aspects qui jusque là n’étaient pas un sujet. Les douleurs psychiques engendrées par ce mécanisme sont alors vives et troublantes. Il est important d’aller les confronter, les questionner pour mieux comprendre ce qu’elles ont à nous dire et ce qu’elles peuvent éventuellement nous apporter mais aussi pour être plus apaisée face à elles.
Devenir mère peut ainsi être compliqué psychiquement, physiquement, émotionnellement, socialement. On se pose 1000 questions, on tremble de ne pas être à la hauteur de ce rôle aux enjeux si importants. Cela arrive, cela ne doit plus être tabou et on doit pouvoir en parler, si besoin, librement.
« En un sens, une mère doit naître psychologiquement tout autant que son bébé naît physiquement. Ce qu’une femme met au monde dans son esprit , ce n’est pas un nouvel individu, mais une nouvelle identité : le sentiment d’être mère. » Daniel N. Stern, Nadia Bruschweiler-Stern, 1998.
Le baby blues
Avant toute chose, le baby blues n'est pas une maladie et ne nécessite aucun traitement. C'est un trouble mineur de l'humeur, une période physiologique de dysphorie. Il touche 50 à 80% des mères.
Il survient de façon inopinée, généralement entre le 3e et le 10e jour après la naissance de l'enfant avec des pics d'intensité aux 3e et 5e jours.
Il est transitoire et ne doit pas dépasser 15 jours à 3 semaines grand maximum. Au-delà, on se posera la question de l'installation d'une dépression post-natale.
Les pleurs sont très caractéristiques de cet épisode. Il s'agit là de larmes déclenchées extrêmement facilement par des déconvenues et des désagréments mineurs.
On note aussi une labilité émotionnelle très présente. Une tristesse subite et transitoire peut apparaître. L'inquiétude de ne pas savoir s'occuper de son enfant, de ne pas pouvoir lui donner tout ce dont il a besoin. Le souci de bien faire. L'humeur peut être euphorique et semble même inadaptée tellement elle est exagérée : crise de rires, logorrhée, agitation.... Une irritabilité peut aussi être présente, dirigée contre son(sa) conjoint(e), son entourage et encore le personnel soignant. La fatigue est très présente et on peut aussi observer de la confusion. On observe aussi des troubles somatiques récurrents comme des maux de tête ou une grande soif sans que l'on sache trop les expliquer.
Il est en partie lié à une modification importante de l'équilibre hormonal après l'accouchement
Il s'agit là de réaliser la réalité de la maternité, de se demander si on sera à la hauteur et prendre soudainement conscience de l'ampleur de la tâche. La mère est à ce moment-là très vulnérable et sa sensibilité est exacerbée. Elle vient de vivre un moment intense et parfois surréaliste et là c'est un peu le soufflé qui retombe et la réalité des responsabilités qui lui incombent qui vient frapper très fort et la déstabiliser.
C'est le processus du devenir mère qui est en cours. Une adaptation à la nouvelle réalité et à la nouvelle identité après un moment très chargé en émotions. Une sorte de crise identitaire, presque comme un rite de passage. La mère accuse le coup et redescend sur terre. Ce serait un état de sensibilité nécessaire pour recevoir l'interaction avec son bébé et y répondre.
L'important est d'aider la mère à prendre ses marques, la rassurer sur ses capacités maternelles, la valoriser dans sa nouvelle identité, l'écouter et avoir une attitude bienveillante et enveloppante. En verbalisant ses craintes elle se sentira libérée de ce poids et pourra mieux appréhender son nouveau rôle.
Ce qu'en disent les auteurs spécialisés (psychiatres)
En 1989, le Pr Antoine Guedeney évoquait le fait qu'"on peut imaginer qu'il existe un dispositif biologique, dont la mise en oeuvre dans le post-partum immédiat viserait à favoriser l'échange affectif précoce entre la mère et l'enfant."
Dr Marie-Noëlle Vacheron (2015) : "La naissance, en effet, nécessite une adaptation quasi immédiate à un événement bouleversant le sentiment d'identité, les rôles sociaux, l'image du corps et les relations aux figures d'attachement. Elle entraîne une réaction de deuil de l'état de complétude lié à la grossesse, de l'enfant imaginaire parfait."
Pr Jacques Dayan (2002) : "L'expérience soudaine de la maternité peut être considérée sous la forme d'une surcharge d'information, débordant les capacités de mentalisation du sujet."
Références bibliographiques
• Sardas, Fabienne. (2016). Maman blues. Du bonheur et de la difficulté de devenir mère. Eyrolles, Paris, 185 pages.• Dayan, Jacques (2002). « Maman, pourquoi tu pleures ? » Les désordres émotionnels de la grossesse et de la maternité. Odile Jacob, Paris, 301 pages.
• Vacheron, Marie-Noëlle. (2015). Maternité et psychiatrie. Lavoisier, Paris, 224 pages.
• Bydlowski, M. (2008). Les dépressions maternelles en question. Le carnet psy, n°129 : 38-44.
La dépression post partum
Elle peut se définir comme tout trouble dépressif, sans caractéristique psychotique, survenant dans l’année suivant la naissance de l’enfant. Il s’agit d’une perturbation de la régulation de l’humeur. Elle peut être traduite comme une difficulté à être mère, à devenir mère.
On note une labilité émotionnelle intense avec des variations importantes parfois même au cours d'une même journée.
La prévalence de ce trouble est de 10 à 15% selon les études et selon les critères diagnostiques utilisés. (Sutter-Dallay, 2010). On peut constater deux pics de fréquence vers 4 à 6 semaines et 6 à 8 mois post-partum (Sutter-Dallay, 2018). Son incidence à 5 semaines de post-partum est triple comparée aux autres périodes de la vie d’une femme (Sutter-Dallay, 2010).
Elle survient, en effet, durant une période de remaniements personnels, familiaux et environnementaux importants (Bydlowski, 2018).
Elle se différencie du baby blues par la temporalité des symptômes et leur intensité. En effet, un baby blues qui perdure plus de 15 jours, avec une accentuation de symptômes comme la tristesse ou la perte de plaisir doit questionner et pousser à consulter. Les symptômes qui caractérisent la dépression post partum son également plus nombreux et ont un impact plus important et plus fort sur la mère.
Le post-partum est une période pendant laquelle la mère est fragilisée psychiquement et émotionnellement. En effet, l'arrivée d'un enfant entraîne des bouleversements majeurs notamment sur le plan identitaire. Les repères habituels changent et cela déstabilise et peut facilement faire le nid d'un mal-être et d'un fort sentiment de solitude. Les sentiments et ressentis sont exacerbés, tout ceci majoré par la fatigue et le stress de prendre soin d’un nouveau-né.
Elle apparaît donc dans un contexte très particulier qui la conditionne particulièrement.
B. Pitt (1968) parle de dépression atypique. Elle se différencie de la dépression "classique" par le fait que l'humeur dépressive serait majorée le soir et qu'elle est déclenchée spécifiquement par la naissance de l'enfant et qu'elle a un impact sur la relation avec celui-ci. On note aussi moins de perturbations dans la vie quotidienne, en effet, la mère n'a souvent pas le choix que de s'occuper de l'enfant et c'est d'ailleurs ce sentiment de responsabilité et la culpabilité qui l'accompagne si elle ne remplit pas "ce rôle" qui la pousse à ne pas rester au fond de son lit. Les idées suicidaires sont moins présentes et le ralentissement psychomoteur caractéristique des dépressions bien moindre. J. Dayan (2002)
Le terme de « dépression souriante » est souvent évoqué pour en parler, c’est d’ailleurs comme ça qu’elle était appelée lors de sa découverte. En effet, la mère a tendance à ne pas extérioriser son trouble, par honte, par pudeur ou tout simplement car elle n'en a pas réellement conscience.
Les symptômes principaux sont : tristesse avec pleurs fréquents, troubles du sommeil, hypervigilance, irritabilité, angoisses / anxiété, troubles de l'appétit, difficultés à créer du lien avec son bébé, difficultés à s'occuper de son bébé, culpabilité, perte de plaisir dans les activités de la vie quotidienne, inquiétudes centrées sur le bébé, phobies d'impulsion, fatigue (épuisement), idées noires.
Parmi les facteurs de risque on retrouve : des antécédents personnels ou familiaux de dépression, la dépression prénatale, une anxiété élevée durant la grossesse des événements marquants, stressants, négatifs de vie et/ ou pendant la grossesse, des problèmes conjugaux ou familiaux, un mauvais soutien conjugal, un manque de soutien social avec un entourage peu présent, un accouchement difficile, traumatique, des suites obstétricales compliquées, un allaitement complexe, le tempérament de l'enfant (pleurs intenses, RGO, coliques..), des difficultés dans les soins à l'enfant et à appréhender le rôle de mère, un statut socio- économique faible, un réactivation du lien à sa propre mère (relation mère-fille complexe, capacités maternelles manquantes), un style cognitif attributionnel négatif (pessimisme) des facteurs gynéco-obstétricaux divers ( antécédents de fausse couche, de mort fœtale ou périnatale, d’IVG, une malformation fœtale une prématurité etc…), le manque de sommeil, une reprise du travail précoce.
Ces facteurs sont, pour la plupart, non maitrisables ce qui rend la survenue d’une dépression post partum vraiment subie et induite de manière non choisie. Ce n’est pas la faute des mères, il y a des prédispositions à vivre ce trouble, elles ne sont donc pas coupables de ce qui leur arrive mais vraiment victimes.
La prise en charge de ce trouble est avant tout une psychothérapie avec un ou une professionnel(le) en qui l'on a confiance. L’accompagnement que je propose peut également vous être bénéfique.
Dans certains cas un traitement médicamenteux est nécessaire mais il doit être associé à un suivi en thérapie.
Une hospitalisation en UMB (Unité mère-bébé) peut être envisagée dans certaines situations voire une hospitalisation en service de psychiatrie adulte.
Les groupes de soutien et cercles mamans bébés sont aussi une vraie ressource.
Il existe aussi des LAPE (lieux d’accueil parents-enfants) dans lesquels vous pouvez vous rendre sans conditions d’accès pour échanger avec d’autres parents et faire des activités avec votre enfant. C’est un espace de parole et de réassurance au petit enfant et à l’adulte qui l’accompagne.
En fonction de vos besoins l’appel à une TISF (travailleuse d’intervention sociale et familiale) peut être d’une grande aide pour vous accompagner dans les actes de la vie quotidienne (ménage, préparation des repas) et dans la prise en soin de votre bébé et/ou de vos ainés. La demande est à faire auprès de votre CAF et son intervention est prise en charge en fonction de votre quotient familial.
L'Association Maman Blues est également d'une grande aide en matière d'orientation et de soutien face à la difficulté maternelle. N’hésitez pas à vous rendre sur leur site
Si vous pensez que vous traversez une dépression du post-partum il est important de ne pas rester seule avec vos pensées et ressentis. En parler est une des clés pour s'en sortir. Que ce soit votre sage-femme, la PMI, votre médecin traitant, votre entourage, un autre professionnel en qui vous avez confiance, n'hésitez pas à verbaliser ce qui ne va pas.
Ce qui vous arrive n'est pas de votre faute, vous n 'avez pas à avoir honte et des solutions existent pour vous aider.
Références bibliographiques
• Gressier, F,. Sutter-Dallay, A-L,. (2018). Les dépressions périnatales. In Dugnat, Michel. Bébé attentif cherche adulte(s) attentionné(s) (page 495-page 507). Eres, Toulouse.• Pitt, B. (1968). « Atypical » depression following childbirth. The british journal of psychiatry, n°114 : 1325-1335.
• Bydlowski, M. (2008). Les dépressions maternelles en question. Le carnet psy, n°129 : 38-44.
• Sutter-Dallay, A-L. (2010). Dépression et parentalité. In Goudemand, Michel. Les états dépressifs (page 388- page 392). Lavoisier, Paris.
• Dayan, Jacques (2002). « Maman, pourquoi tu pleures ? » Les désordres émotionnels de la grossesse et de la maternité. Odile Jacob, Paris, 301 pages.
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